Le projet de loi C-4 détruira des années de progrès au Canada

Fidèles à eux-mêmes, les conservateurs de Stephen Harper vont essayer de faire adopter autant de changements législatifs néfastes qu’ils le peuvent pendant les deux dernières de leur mandat.

Dans son projet de loi omnibus d’exécution du budget de plus de 300 pages – le projet de loi C-4 –, Stephen Harper continue d’introduire à la sauvette des changements législatifs importants, dont bon nombre n’ont rien à voir avec le budget. Et cette fois-ci, certains changements mettront la vie des travailleurs et travailleuses en danger.

Des vies et la sécurité en danger

Le gouvernement fédéral a l’obligation de protéger la santé et la sécurité de plus d’un million de fonctionnaires. Actuellement, selon la définition de « danger » du Code canadien du travail, l’employeur doit protéger les employés en cas de « situation, tâche ou risque — existant ou éventuel — susceptible de causer des blessures à une personne qui y est exposée, ou de la rendre malade », ce qui comprend « toute exposition à une substance dangereuse susceptible d’avoir des effets à long terme sur la santé ou le système reproducteur. »

Ces protections sont le fruit d’une vaste consultation avec des experts, des employeurs, des syndicats et le gouvernement et elles existent depuis l’an 2000.

Le projet de loi C-4 – qui n’a fait l’objet d’aucune consultation – élimine toute référence aux dangers potentiels et à l’exposition aux matières dangereuses. Ainsi, les fonctionnaires fédéraux n’auront plus de protection explicite contre les situations potentiellement dangereuses. La sécurité diminuera dans les milieux de travail de compétence fédérale. Seront touchés : l’industrie ferroviaire, maritime et aéroportuaire, l’exploitation des pipelines et de l’uranium, la radiodiffusion et la télédiffusion. Pire encore, l’élimination de la protection du système reproducteur met en danger les futures générations. C’est mesquin et irresponsable. Le fait de réduire la définition de danger compromet la sécurité des fonctionnaires et peut-être aussi des membres du public qu’ils servent.

Et comme si ce n’était pas suffisant, le projet de loi transfère l’autorité et les pouvoirs des agents de santé et sécurité au travail au ministre. Ces inspecteurs professionnels, neutres, indépendants et bien formés, seront donc mis de côté, et le travail énorme qu’ils accomplissaient sera désormais confié à des personnes nommées pour des raisons politiques.

Au Canada, quatre personnes meurent au travail chaque jour. Et cela ne comprend même pas les centaines de travailleurs et travailleuses qui meurent chaque année des suites d’une maladie professionnelle. Selon le Congrès du travail du Canada, le Canada est l’un des rares pays développés du monde où la mortalité au travail augmente au lieu de diminuer.

Nous avons besoin de dispositions plus rigoureuses en matière de santé et de sécurité. Il existe un besoin criant de protections contre la violence psychologique et le harcèlement, ainsi que pour les personnes qui travaillent seules. Nous avons besoin de meilleurs rapports sur les incidences des maladies infectieuses dans les milieux de travail. Pourtant, le gouvernement fédéral s’apprête à abaisser davantage les normes. Nul besoin d’une boule de cristal pour prédire les résultats. Plus de personnes vont perdre la vie au travail ou subiront de graves blessures qui auront des conséquences durables.

Réduction du pouvoir de négocier

Le projet de loi C-4 anéantira des années de progrès en relations de travail au Canada. Il limite grandement le droit de grève des fonctionnaires et permet à l’employeur de désigner n’importe quel poste comme « poste essentiel », que ce soit en recherche statistique, en bibliothéconomie ou en services d’archives. Évidemment, personne ne souhaite faire la grève, mais le droit des travailleurs de suspendre leur travail en cas de différend avec leur employeur aide à créer des règles du jeu équitables entre les parties pour négocier des contrats de travail équitables.

Le projet de loi C-4 s’inscrit parfaitement dans la guerre que les conservateurs mènent contre la connaissance et l’impartialité. Il retire aux arbitres l’accès aux données de recherche dont ils ont besoin pour rendre des jugements équitables. Il prive les conseils d’arbitrage de leur indépendance et de leur objectivité en limitant les facteurs sur lesquels ils doivent se fonder pour rendre leurs décisions et en accordant au président de la Commission des relations de travail, qui est nommé pour des raisons politiques, le droit d’ordonner à un conseil d’arbitrage de réexaminer sa décision. Le projet de loi crée de nouvelles lourdeurs administratives qui seront coûteuses en temps et en argent en limitant l’étendue des griefs de principe et en exigeant, dans de nombreux cas, qu’on soumette plutôt de multiples griefs individuels. 

Le projet de loi limite même le droit des fonctionnaires de déposer une plainte de discrimination auprès de la Commission des droits de la personne. Fidèle au style de Harper, ce texte législatif est irrationnel et inefficace et il aura des conséquences économiques pour le Canada et pourrait compromettre la vie et la santé des fonctionnaires.

Le projet de loi C-4 traduit bien la politique de deux poids deux mesures du gouvernement Harper. Même si ce gouvernement a répété qu’il veut rapprocher les conditions de travail du secteur public et du secteur privé, son nouveau projet de loi sur le budget ne fait que refuser aux fonctionnaires fédéraux de nombreux droits démocratiques de base dont profitent les travailleurs et travailleuses du secteur privé.

Les droits des travailleurs n’ont rien de frivole. Dans le siècle dernier, des travailleurs, dont des enfants, ont peiné et perdu la vie dans des usines dangereuses. Des conditions de travail brutales ont entraîné des ralentissements et des arrêts de travail qui ont paralysé notre économie. Les droits des travailleurs ont progressé avec le temps pour protéger les personnes et créer des emplois rémunérateurs, mais aussi pour bâtir une économie forte et refléter les belles valeurs du peuple canadien. Stephen Harper et ses acolytes cherchent à nous faire reculer jusqu’à une triste époque qui ne devrait plus exister que dans les livres d’histoire.

Porter atteinte à la santé et à la sécurité. Mettre des vies en danger. Faire table rase de droits démocratiques durement acquis.

Il est difficile de croire que le gouvernement du Canada ferait ce genre de choses. Pourtant, c’est tout cela, et bien plus encore, qu’il veut faire par son projet de loi C-4. 

Jeannie Baldwin
Vice-présidente exécutive régionale – Atlantique
Alliance de la Fonction publique du Canada